
Novembre
À la Toussaint, les chrysanthèmes s’ouvrent comme des soleils d’automne.
Le vent devient plus doux, le ciel plus grave.
Entre les vivants et les morts, la frontière semble s’effacer :
les familles se rassemblent, les souvenirs s’allument,
et la lumière des fleurs répond au silence des tombes.
La tradition, dans nos régions, associe le 1er novembre aux feuilles mortes, à la brume, au souvenir de défunts, aux visites aux cimetières, qui sont alors tout fleuris de chrysanthèmes et autres compositions florales. Ce temps est ainsi marqué d’un climat d’une certaine tristesse ou de recueillement. Parfois s’y mêle un aspect plus historique, avec la proximité de la commémoration de l’Armistice du 11 novembre 1918 et le rappel des victimes des deux guerres mondiales.
Très tôt parmi les premières communautés chrétiennes ont été vénérés les « saints martyrs ». Ce mot grec signifiait proprement « témoins, ceux qui portent témoignage », comme l’annonce Jésus dans les Actes des Apôtres : « Vous serez mes témoins » (Ac 1,8). C’était particulièrement vrai pour ceux qui furent persécutés et mis à mort pour leur foi et le terme « martyrs » leur fut réservé.
En divers lieux, notamment dans les catacombes, se développa un culte de certains martyrs particulièrement connus, souvent honorés à la date anniversaire de leur mort.
Ceux qui étaient moins connus et aussi ceux qui avaient pu rendre témoignage au long de leur vie sans être mis à mort, un jour commun leur fut consacré : la fête de « Tous Saints », fixée au 1er novembre depuis le 9ème siècle (une date choisie en rapport à une fête celte des ancêtres ?).
En 1801, elle fut retenue parmi les quatre ‘fêtes d’obligation’, lors du concordat signé entre l’Eglise et Napoléon Bonaparte (avec Noël, l’Ascension et l’Assomption).
La proximité de la Toussaint et du Jour des Morts rappelle la continuité entre la vie, la sainteté et la mémoire. Dans de nombreux pays, ces deux jours forment un seul moment de recueillement et de fête. En France, on dépose des fleurs au cimetière ; au Mexique, on dresse des autels pour accueillir les âmes des défunts. Partout, c’est la même idée : honorer ceux qui ont vécu avant nous, dans la lumière ou dans le souvenir.
La « Commémoration de tous les défunts » célébrée le lendemain, 2 novembre, jour non férié, s’est peu à peu associée à la Toussaint dans le vécu concret de nos régions. Il est assez naturel d’associer les défunts cette fête, car ils ont pu aussi être des témoins ou des passeurs de flambeau, à leur manière. Cela peut alors se rapprocher du culte des ancêtres, mais ici dans la prière au Seigneur, en communion à ces défunts.
Entre la Toussaint et le Jour des Morts, il n’y a qu’une nuit.
Une nuit symbolique où les saints et les simples mortels se rejoignent.
La Toussaint élève les regards vers le ciel ; le Jour des Morts ramène le cœur vers la terre.
L’une célèbre l’espérance, l’autre la mémoire — ensemble, elles rappellent que la vie et la mort ne s’opposent pas, mais se répondent.
Nous pouvons exprimer notre reconnaissance à Dieu pour ceux qui ont manifesté quelque chose de Sa Vie parmi nous, mais nous avons surtout nous-mêmes à en rendre témoignage. En ce sens, la fête de Toussaint peut être notre fête à tous, la fête de l’Église en marche. Ce n’est pas par hasard que l’évangile de cette fête est celui des Béatitudes : heureux ceux qui sont en route pour vivre le Royaume de Dieu ! (Mt 5).
Sans doute n’est-ce pas par hasard non plus que c’est à la veille de la Toussaint 1517 que Martin Luther a affiché ses thèses appelant à être plus fidèles à l’Évangile. (Les protestants en commémorent le souvenir dans la fête de la Réformation, le 31 octobre.)




